La voiture électrique et l’environnement, est-ce vraiment compatible?

Pour faire suite à mon article sur les changements climatiques, une question se pose, la voiture électrique est-elle bonne pour l’environnement?
Certains vous diront catégoriquement non, car de leur point de vue, aucune voiture n’est écologique. Effectivement, ils n’ont pas tort, car dès qu’il y a un processus de fabrication quelconque, il y a extraction de matières premières, transformation, production, assemblage et transport à chacune des étapes et par conséquent, une génération de gaz à effet de serre (GES) et de pollution. Vu sous cet angle, tout comme n’importe quelle autre voiture personnelle, la voiture électrique n’élimine pas tous les GES et la pollution. Elle n’élimine pas non plus les problèmes de congestion dans les grandes villes. Alors pourquoi consacrer autant d’énergie au développement des VÉ?
La marche et l’utilisation d’un vélo constituent des moyens de transport idéaux pour la santé, l’environnement et la fluidité des déplacements. Par contre, avec des températures oscillant entre -30 à +35°C au Québec et considérant l’importante dispersion géographique de nos territoires, voilà des solutions qui ne sont pas à la portée de tous.
L’utilisation des transports en commun devient alors la solution pour les longues distances, mais encore faut-il que ces transports collectifs puissent utiliser une source d’énergie propre, ce qui est, à quelques exceptions près, rarement le cas actuellement. De plus dans leurs formes actuelles, les différents moyens de transports en commun ne répondent pas toujours aux besoins et attentes de la population.
Mettre en place de nouveaux moyens de transports collectifs structurants et écologiques pourrait être une bonne solution, mais à la vitesse où vont les choses présentement au Québec et ailleurs… la voiture personnelle sera encore reine durant plusieurs années.
Dans ce contexte, si la voiture personnelle est inévitable, devrait-on remplacer nos voitures à essence par des voitures électriques?
2e partie – Les VÉ et l’environnement
Les études et rapports
Depuis quelques temps, on retrouve dans différents médias des critiques à propos de la voiture électrique qui pourraient remettre en question les biens fondés d’en acquérir une. « Fabriquer un VÉ et se débarrasser de la batterie c’est polluant », disent-elles!
Toutefois, si elles avancent certains faits, ces études ont souvent une vision à court terme et ne tiennent pas compte de l’ensemble du tableau. Elle nous orientent vers des conclusions partielles ou erronées. Est-ce là un manque de rigueur ou une volonté de protéger une industrie existante très lucrative?
Pour étudier l’impact environnemental de toute chose, une vision critique et globale à long terme s’impose. Il faut considérer le potentiel et l’ensemble du cycle de vie du produit comme suit :
Par exemple, construire un métro peut être extrêmement polluant. Mais son utilisation à long terme fait en sorte qu’il permet de retirer des centaines de milliers de voitures de la route et par conséquent d’éviter beaucoup de pollution, de réduire la congestion, d’utiliser une source d’énergie propre pour se mouvoir et d’améliorer le bilan de santé.
Ci-contre la construction de la station de Métro Bonaventure de Montréal durant les années 1960.
Les études qui ont uniquement une vision à court terme, ne considèrent que des centrales au charbon comme source d’énergie. Elles ne tiennent pas compte non plus, qu’il est possible d’accorder une seconde vie à une batterie et qu’elle pourrait être recyclée en fin de vie. On obtient alors une étude qui néglige l’incroyable potentiel que pourrait offrir la voiture électrique à moyen et long terme.
Alors que plusieurs fabricants offrent une garantie de 8 ans sur les batteries des VÉ, si on suppose une durée de vie moyenne estimée à une dizaine d’années avant qu’elles n’atteignent 70% d’efficacité, il est déjà possible d’accorder une 2e vie à ces batteries pour servir à différentes applications telles que des accumulateurs d’énergie pour éoliennes et panneaux solaires, ou encore pour remplacer des génératrices de bâtiments en cas de panne.
Ci-contre, un réseau d’accumulateurs Tesla reliés à des éoliennes.
Puisque la conversion à des sources d’énergie plus propre s’avère nécessaire et inévitable et que le recyclage des batteries est déjà commencé, pourquoi vouloir se fier à des études qui s’accrochent au passé tandis qu’une amélioration est possible?
Ces études prennent-elles en compte les déversements et fuites de pétrole à répétitions et l’impact de ces rejets sur les écosystèmes?
(photo) Le 2 février 2017, des travailleurs ramassent des boues huileuses épaisses au large de la plage d’Ernavur, un village côtier de l’Inde, suite à un déversement de produits pétroliers d’un navire au port de la ville de Chennai (Inde). Les vents et les vagues ont transporté les boues et les nappes de pétrole sur 25 kilomètres le long de la côte au Nord et sur 23 kilomètres vers le Sud.
Plusieurs de ces études négligent également le potentiel que pourrait offrir la voiture électrique en auto-partage. Puisqu’ils pourraient se recharger sans intervention humaine, des minibus électriques autonomes pourraient voir le jour et ajouter un nouveau moyen de transport collectif plus flexible et plus efficace.
La fabrication d’un VÉ
La batterie
Certes, si l’on considère uniquement le processus de fabrication, il est présentement plus polluant de fabriquer une voiture électrique qu’une voiture à essence en raison de la production de la batterie, qui requiert plusieurs types de matières premières de diverses provenances. Mais cela pourrait changer au fil des ans.
Ci-contre, la batterie d’une Tesla Model S, composée de 16 modules de 444 petites batteries au lithium de Panasonic, refroidies au liquide, pour un total de 7,104 petites batteries.
En général, plus la capacité de la batterie est grande, plus l’impact de sa fabrication sur l’environnement augmente et plus le prix de la voiture augmente, d’où l’importance de choisir le minimum nécessaire pour répondre à ses besoins.
Plus l’on retrouve de bornes de recharge disponibles dans les zones résidentielles, en milieu de travail, sur les routes, près des restaurants, des centres commerciaux et des services, moins il est nécessaire de disposer d’une grosse batterie pour son VÉ.
Selon l’article « Fausse information sur les terres rares et les VÉ » de François Boucher, contrairement à la croyance populaire, la présence de terres rares dans les batteries des VÉ serait plutôt « rare » alors qu’on en retrouve dans les composantes électroniques de tous les véhicules, incluant ceux à essence ainsi que certains moteurs électriques.
Voici la batterie d’une Chevrolet Bolt et sa constitution selon UBS.
La méthode de fabrication
Depuis près d’un siècle, les voitures sont pratiquement toutes fabriquées de la même manière. Toutefois il est possible d’améliorer l’impact environnemental de cette production et c’est le défi qu’ont relevé, parmi tant d’autres, BMW et Ecotuned.
BMW a conçu sa i3 électrique (photo) en considérant l’ensemble de son cycle de vie, afin d’obtenir un impact environnemental inférieur d’un tiers à celui des voitures équivalentes fonctionnant aux carburants fossiles.
Pour y parvenir, BMW a :
- revu l’efficacité de ses procédés de fabrication;
- conçu la i3 à base de plastiques et fibres de carbone;
- prévu un recyclage maximal en fin de vie;
- utilisé 80% d’aluminium recyclé ou produit avec des sources d’énergie renouvelables;
- utilisé 25% de plastiques recyclés ou produit avec des sources d’énergie renouvelables;
- utilisé une énergie 100% renouvelable tout en réduisant ses besoins à 50%; et
- utilisé 70% moins d’eau que pour des véhicules comparables.
Ecotuned une entreprise québécoise qui se spécialise dans la conversion de camion avec moteur à combustion en camion électrique, offre un moteur électrique disposant d’une durée de vie de 1 million de km.
Le même moteur électrique peut être transplanté d’un camion à l’autre et pourrait servir dans plusieurs véhicules.
Alors que les batteries d’aujourd’hui sont conçues principalement à partir de lithium, celles du futur pourraient être très différentes, en étant moins polluantes, plus performantes et plus durables.
Déjà en 2017, le professeur-chercheur de l’Université de Dalhousie en Nouvelle-Écosse (Canada) Jeff Dahn a réussi à doubler la durée de vie des batteries de Tesla, tandis que la compagnie aurait réussi à éliminer la présence de cobalt dans leur batterie pour la Tesla Model 3.
De leur côté, Honda, Caltech et la NASA travaillent sur une batterie à base de fluorure-ion dont la densité serait 10 fois supérieure à celle des piles au lithium-ion (Li-ion).
Co-inventeur de la batterie Li-ion, le professeur-chercheur John Goodenough travaille avec son équipe à l’élaboration d’une nouvelle batterie solide qui pourrait révolutionner l’industrie à nouveau.
Alors qu’un très grand nombre de chercheurs à travers le monde travaillent présentement à la conception de nouvelles batteries, bien malin celui qui pourrait prédire quelles seront les batteries du futur. Quoi qu’il en soit, elles ne pourront faire autrement que de devenir meilleures et plus écologiques.
L’utilisation d’un VÉ en comparaison
Plus une voiture à essence roule, plus elle pollue et plus cela augmente avec l’âge et l’usage du véhicule, alors que cela demeure toujours très négligeable pour la voiture électrique peu importe son utilisation ou son usure.
Dans une étude commandée par Hydro Québec, (la même étude qui a été utilisée par plusieurs médias pour accuser la voiture électrique d’être plus polluante), il est indiqué qu’une voiture électrique (Nissan Leaf 2013 de 24 kWh pour l’étude) au Québec est moins dommageable pour l’environnement qu’une voiture à essence équivalente (consommation de 5.4 à 7.6 L/100 km) comme suit :
- après 29,000 km, moins d’impact sur l’épuisement des ressources fossiles;
- après 32,000 km, moins d’impact sur les changements climatiques (GES);
- après 43,000 km, moins d’impact sur la qualité des écosystèmes;
- après 85,300 km, moins d’impact sur la santé humaine;
Considérant que la majorité des voitures parcourent plus de 200,000 km avec un ou plusieurs propriétaires durant leur vie utile, il devient évident qu’à long terme, la voiture électrique offre un meilleur bilan environnemental.
Utilisation dans les conditions actuelles
Voici un graphique tiré d’un article du physicien Pierre Langlois Ph.D. qui démontre bien qu’au Québec, l’utilisation d’un VÉ est avantageux pour l’environnement. (comparaison entre les États-Unis et le Québec)
Notes :
- VT = véhicule termique;
- VH = véhicule hybride;
- VÉ = véhicule électrique; et
- AmN = Amérique du Nord.
Nous pouvons remarquer toutefois que dans un contexte où l’électricité provient de sources moins propre (É.-U.) un véhicule hybride tel qu’une Toyota Prius serait plus avantageux qu’un VÉ avec une grosse batterie, tandis qu’un véhicule thermique, tel une Ford Focus uniquement à essence, demeure toujours peu désirable.
Dans le tableau ci-haut, considérant que les batteries de 90 kWh se retrouvent principalement dans des véhicules de type Tesla Model S ou X, il serait plus juste de les comparer à un autre véhicule du même format, soit une grande berline ou un VUS, consommant entre 10 et 12 L/100 km, au lieu d’une Ford Focus à 7.8 L/100 km. Dans ce contexte, les émissions produites par le véhicule thermique seraient encore plus considérables et donneraient encore plus l’avantage au VÉ disposant d’une batterie à 90 kWh.
Utilisation avec des conditions améliorées
Dans le tableau ci-contre, si les É.-U. adoptaient des sources d’énergie plus propres et si les véhicules étaient produits à l’aide d’énergies plus propres, en accordant une 2e vie à la batterie, on obtiendrait un tableau comme suit :
Notes :
- VT AmN = véhicule thermique en Amérique du Nord;
- VH = véhicule hybride en Amérique du Nord;
- VÉ Cal = véhicule électrique en Californie; et
- VÉ Qué = véhicule électrique au Québec.
Remarquez que dans tous les cas présentés ci-haut, l’impact d’utiliser une source d’énergie moins propre pour alimenter un VÉ demeure toujours moins néfaste pour l’environnement que d’utiliser une voiture 100% thermique (barre verte = centrales électriques vs barre grise foncée = combustion carburant fossile).
Par conséquent, plus une voiture électrique roule, plus son bilan environnemental global s’améliore par rapport à une voiture à essence parcourant la même distance. A l’inverse plus une voiture thermique roule, plus elle pollue et ce jusqu’à la fin de sa vie utile. Dans ce contexte, les véhicules commerciaux très sollicités auraient tout intérêt à être remplacés par des véhicules électriques.
Toutefois, il faut demeurer ouvert d’esprit et ne pas considérer les VÉ comme étant une solution absolue. Ce qui donne l’avantage au VÉ par rapport à un véhicule à combustion, c’est son utilisation. Présentement, avec les procédés de fabrication actuels, un véhicule électrique sous utilisé parcourant très peu de km durant sa vie utile (par exemple, moins de 3,000 km/année) n’est pas plus avantageux d’un point de vue écologique qu’un véhicule à combustion.
(pour consulter l’article original de Pierre Langlois, cliquez ici)
Le potentiel
Pour répondre aux questions initiales de cet article, alors que la voiture à combustion stagne d’un point de vue environnemental et que la masse tend à remplacer leurs voitures par des VUS plus énergivores, la voiture électrique offre un immense potentiel.
La voiture électrique pourrait être initiatrice de changement et paver la voie à de nouveaux moyens de transport, plus respectueux de l’environnement (j’y reviendrai lors d’un futur article).
Par conséquent pourquoi s’accrocher au passé, aux moyens de transport traditionnels et continuer à bâtir nos sociétés en fonction de technologies et de façons de faire dépassées, qui mettent en péril notre civilisation, alors qu’il serait possible de revoir notre façon de se mouvoir dans son ensemble.
S’il est très difficile pour nos sociétés modernes de vivre sans voiture, considérant que la voiture électrique n’est pas parfaite et ne solutionne pas tous les problèmes, elle a au moins le mérite d’apporter une solution palliative dans l’intérim d’un changement profond de nos moyens de transport dans nos sociétés.
A l’exception de ceux qui parcourt de très faibles distances par année, les VÉ offrent un bilan environnemental global définitivement meilleur que celui de la voiture traditionnelle à combustion. Les VÉ offrent un potentiel d’avenir beaucoup plus prometteur. Faire l’acquisition d’un VÉ, c’est investir dans la recherche et développement pour l’avenir. De plus, sans demande, il ne peut y avoir d’offre et d’amélioration des réseaux de recharge.
Enfin si un véhicule 100% électrique ne peut répondre à tous vos besoins, au minimum un véhicule hybride ou hybride branchable pourrait constituer une meilleure solution au véhicule à combustion traditionnel, puisque chaque km supplémentaire parcouru à l’aide d’une voiture à combustion ne fait qu’ajouter plus de pollution et de GES dans l’air.
Sources
INTRO
https://cyclingmagazine.ca/sections/training-guide/technique/5-tips-riding-bicycle-winter/
LES ÉTUDES ET RAPPORTS
http://www.stm.info/fr/albumphotos
https://thediplomat.com/2017/02/the-great-chennai-oil-spill-clean-up/?img=1#!#postImage
LA FABRICATION D’UN VE
http://roulezelectrique.com/fausses-informations-sur-les-terres-rares-et-les-vehicules-electriques/
https://cleantechnica.com/2018/07/08/tesla-model-3-chevy-bolt-battery-packs-examined/
https://www.bmw.lv/lv/topics/fascination-bmw/bmw-i/sustainability.html
https://jalopnik.com/the-bmw-i3-is-officially-much-greener-than-almost-every-1462999376
https://insideevs.com/tesla-exceeds-double-lithium-ion-battery-life/
https://chargedevs.com/newswire/tesla-on-the-way-to-eliminating-cobalt-from-its-batteries/
https://cleantechnica.com/2018/12/08/honda-nasa-caltech-claim-fluoride-battery-breakthrough/
L’UTILISATION D’UN VÉ
Très bon article. Merci
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Excellent travail !, superbe article, et je ne regrette rien de mon achat LEAF 2018.
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Excellent article, à lire, faire connaître et à partager
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Great reading tthis
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Thanks
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